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Réforme de la domiciliation : décryptage et positionnement de l’UNCCAS

Réforme de la domiciliation : décryptage et positionnement de l'UNCCAS

La circulaire du 10 juin, publiée le 18 juillet, et l’arrêté du 11 juillet fixant les modalités des nouveaux CERFA de demande d’élection de domicile et d’attestation de domicile des personnes sans domicile stable, sont venus compléter et préciser les trois décrets d’application de la loi ALUR publiés le 19 mai dernier réformant la procédure de domiciliation.

Pour rappel, les principales nouveautés du régime de la domiciliation

  • le dispositif de domiciliation spécifique à l’aide médicale de l’Etat (AME) est supprimé. Les régimes de domiciliation généraliste et d’AME sont désormais unifiés ;
  • les motifs de domiciliation sont élargis à l’ensemble des droits civils ;
  • la condition de lien avec la commune est précisée. La notion de séjour se substitue à la notion d’installation sur le territoire, indépendamment du statut d’occupation. La domiciliation par un CCAS ou CIAS est également de droit dans le cas d’un suivi social, médico-social, ou professionnel, de démarches entreprises à cet effet dans le territoire de la commune, d’existence de liens familiaux avec une personne vivant dans la commune ou de l’exercice de l’autorité parentale sur en enfant mineur scolarisé dans la commune ;
  • un formulaire de demande d’élection de domicile est créé tandis que l’attestation d’élection de domicile est actualisée pour tenir compte des changements de la loi ALUR. Le formulaire de demande et l’attestation d’élection de domicile (arrêté du 11 juillet 2016 fixant les modèles de formulaire de demande d’élection de domicile et d’attestation de domicile) précisent l’identité de la personne sans domicile stable et de ses ayants droit ;
  • l’intéressé n’a plus d’obligation de se présenter physiquement tous les trois mois au lieu où il est domicilié. Cette obligation est remplacée par l’obligation pour l’intéressé de se manifester physiquement ou à défaut par téléphone tous les trois mois.

La circulaire est composée en annexe de cinq documents :

  1. le guide de la domiciliation qui reprend et explicite l’ensemble des règles encadrant le dispositif de la domiciliatio,
  2. le cahier des charges type pour l’agrément de structures domiciliataires,
  3. le rapport d’activité de domiciliation des personnes sans domicile stable à renvoyer chaque année au préfet par tous les organismes domiciliataires,
  4. le CERFA de demande d’élection de domicile,
  5. le CERFA de décision et valant attestation d’élection de domicile.

Ce que vient préciser la circulaire sur la procédure de domiciliation

1. Concernant les organismes de domiciliation

Les personnes sans domicile stable doivent élire domicile auprès des organismes agréés par le préfet, ou des CCAS/CIAS.

  • La circulaire précise l’obligation légale des communes/intercommunalités en cas de dissolution d’un CCAS/CIAS
    Les règles relatives à la domiciliation s’appliquent aux communes de moins de 1 500 habitants et aux intercommunalités dès lors que le CCAS ou le CIAS a été dissous suite aux dispositions de la loi du 7 août 2015 portant Nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe).
  • Elle encourage l’agrément de nouvelles structures et propose un modèle de cahier des charges
    L’agrément est désormais délivré pour une durée de 5 ans (et non plus de 3 ans) et le décret modifie la liste des organismes pouvant être agréés aux fins de recevoir les déclarations d’élection de domicile. Les centres d’accueil des demandeurs d’asile n’y figurent plus. La circulaire précise que le préfet de département a vocation à faciliter l’entrée de nouveaux organismes domiciliataires et notamment des Conseils départementaux et établissements de santé pour garantir la bonne répartition de l’activité de domiciliation et permettre à chacun d’être domicilié au sein de l’organisme qui assure son suivi social.

2. Concernant le public concerné par la domiciliation

La définition du public concerné par la domiciliation n’évolue pas.

La notion de « sans domicile stable » désigne toute personne qui ne dispose pas d’une adresse lui permettant d’y recevoir et d’y consulter son courrier de façon constante et confidentielle.

La circulaire apporte plusieurs précisions sur la domiciliation de certaines catégories de population (mineurs, gens du voyage, personnes sous mesure de protection juridique) et notamment :

Les personnes sous mains de justice

Les personnes détenues, lorsqu’elles ne disposent pas d’un domicile de secours ou d’un domicile personnel au moment de l’incarcération peuvent élire domicile auprès des organismes de droit commun ou, le cas échéant, auprès de l’établissement pénitentiaire où elles sont détenues.

La circulaire indique que la domiciliation au sein d’un CCAS/CIAS ou d’un organisme agréé doit être facilitée par la signature de conventions entre les organismes domiciliataires et les établissements pénitentiaires pour organiser, notamment, le suivi du courrier.

Plus particulièrement, dans le cadre de la préparation de leur sortie, les personnes détenues peuvent élire domicile « soit auprès du CCAS/CIAS, soit auprès de l’organisme agréé à cet effet, le plus proche du lieu où elles recherchent une activité en vue de leur insertion ou réinsertion ou le plus proche du lieu d’implantation d’un établissement de santé ou médico-social susceptible de les accueilli » (article 31 de la loi du 9 mars 2015).

Les demandeurs d’asile sans domicile stable

L’article L. 264-10 du code de l’action sociale et des familles prévoit que les règles relatives à la domiciliation généraliste ne soient pas applicables aux procédures de domiciliation des étrangers qui sollicitent l’asile. La domiciliation des demandeurs d’asile est assurée par des organismes conventionnés en application de l’article L. 744-1 ou hébergeant de manière stable des demandeurs d’asile. Ils remettent aux intéressés une déclaration de domiciliation accordée pour une durée d’un an et renouvelable.

La personne reconnue réfugiée ou bénéficiaire d’une protection subsidiaire reste domiciliée pour une période maximale de 3 mois à compter de la date de notification de la décision. Ce délai peut être mis à profit par l’intéressé pour déposer une demande de domiciliation dans le cadre de la procédure de droit commun.

La personne déboutée reste domiciliée pour une période maximale d’un mois, à compter de la notification de la décision, de même que les bénéficiaires de l’aide au retour volontaire. La personne définitivement déboutée de sa demande d’asile ne dispose plus du droit au maintien sur le territoire mais une demande de domiciliation dans le cadre de la procédure de droit commun peut être présentée par celle-ci pour bénéficier de certains droits ou prestations (AME, aide juridictionnelle, exercice des droits civils reconnus par la loi).

3. Concernant le lien avec la commune

La circulaire précise la notion de lieu de séjour

Le terme de séjour n’est pas réduit au seul fait d’habiter dans un logement sur le territoire de la commune. Il renvoie à des réalités diverses :

  • le logement fixe sur le territoire communal : avec statut d’occupation (foyer, chambre meublée, etc.), avec statut d’occupation précaire ou inadéquat (mobil-homes, voiture, habitat sous convention d’occupation précaire, etc.) ; sans statut d’occupation (squat, bidonville, etc.) ;
  • le logement ou la résidence mobile sur le territoire communal : terrestre constituant l’habitat permanent, bénéficiant d’une autorisation d’installation de plus de 3 mois ou non ; fluvial ou maritime (bateliers) ;
  • sans logement : personnes vivant dans la rue ou dans un espace public sur le territoire communal.

La circulaire propose une liste de pièces justificatives pouvant prouver le lien avec la commune

Le lien avec la commune ou le groupement de communes peut notamment être attesté par l’un des justificatifs suivants :

  • justificatifs de logement ou d’hébergement : quittances de loyer, bail, quittances d’énergie, contrat d’hébergement, document individuel de prise en charge (DIPC), justificatif 115 ou SIAO, jugement d’expulsion, attestation de la CAF, de la CPAM ou d’autres organismes, avis d’imposition, justificatif d’occupation sur une aire d’accueil des gens du voyage (contrat d’occupation…) ;
  • constats de présence sur la commune par tout moyen ;
  • justificatifs de l’exercice d’une activité professionnelle : contrat de travail, fiche de paie, extrait Kbis ;
  • justificatifs d’une action ou d’un suivi social, médico-social ou professionnel ou de démarches effectuées auprès des structures institutionnelles, associatives, de l’économie sociale et solidaire notamment les structures de l’insertion par l’activité économique : droits ouverts sur la commune, demande d’hébergement ou de logement,
  • certificat médical non descriptif, attestation de soins, attestation PMI, démarches Pôle emploi, chantier IAE, carte d’accès à une structure d’aide alimentaire ;
  • justificatifs de liens familiaux : livret de famille, acte de mariage, de PACS ou de concubinage, acte de naissance ou de décès, jugement d’adoption, de reconnaissance, de délégation d’autorité parentale, décision du Juge aux affaires familiales, du Juge des enfants, tutelle ou curatelle, toute pièce prouvant que l’enfant est né ou réside sur la commune, certificat de scolarisation des enfants, d’inscription à la crèche, attestation de la CAF, attestation de la qualité d’ayant droit.

4. Les prestations concernées

Les CCAS/CIAS ont obligation de domicilier toute personne sans domicile stable ayant un lien avec la commune pour le bénéfice de prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles ainsi que l’exercice des droits civils et civiques visés à l’article L.264-1 du CASF, nonobstant le principe de l’adresse déclarative.

La circulaire précise la notion de droits civils

La loi ALUR élargit l’obligation de domiciliation prévue à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles à l’exercice des droits civils. Il convient d’entendre essentiellement par « droits civils reconnus par la loi », les droits extrapatrimoniaux liés à l’état de la personne (mariage, décès, adoption, tutelle...).

La circulaire insiste sur le principe de l’adresse déclarative

La circulaire insiste sur le principe déclaratif de l’adresse, selon lequel « les personnes physiques qui déclarent leur domicile dans les procédures mentionnées à l’article 2 [procédures administratives instruites par les administrations, services et établissements publics de l’Etat ou des collectivités territoriales, ou par les entreprises, caisses et organismes contrôlés par l’Etat] ne sont pas tenues de présenter des pièces justificatives (…) » (articles L. 113-4 et R. 113-8 du code des relations entre le public et l’administration).

Les organismes payeurs ou les services fiscaux doivent respecter le principe déclaratif de l’adresse et n’ont pas à orienter des personnes vers le dispositif de domiciliation dès lors que celles-ci disposent d’une adresse pour l’ouverture de leurs droits.

Elle explicite les effets de l’attestation de domicile

Dès lors qu’une personne est titulaire d’une attestation en cours de validité, il ne peut lui être refusé l’exercice d’un droit ou l’accès à une prestation ou à un service essentiel au motif qu’elle ne dispose pas d’un domicile stable. Cette attestation permet donc à son titulaire et à ses ayants droit d’exercer et d’avoir notamment accès :

  • à l’ensemble des droits et prestations sociales sous réserve de remplir les conditions d’attribution propres à chacune de ces prestations ;
  • aux démarches professionnelles ;
  • aux démarches fiscales ;
  • aux démarches préfectorales notamment d’admission ou de renouvellement d’admission au séjour ;
  • à d’autres services essentiels tels que l’accès à un compte bancaire et la souscription d’une assurance légalement obligatoire (comme l’assurance automobile) ;
  • aux démarches de scolarisation.

5. Concernant la procédure

La circulaire précise les cas de radiation

Il est possible de mettre fin à l’élection de domicile avant expiration de cette date (ou refuser de procéder à son renouvellement) dès lors :

  • que l’intéressé le demande ;
  • que l’organisme est informé par l’intéressé qu’il a recouvré un domicile stable ou, pour les CCAS et CIAS, qu’il ne dispose plus de lien avec la commune ou le territoire de l’établissement public de coopération intercommunale ;
  • que la personne ne s’est pas présentée physiquement ou à défaut manifestée par téléphone pendant plus de trois mois consécutifs, sauf si cette absence de manifestation est justifiée par des raisons de santé ou de privation de liberté. Afin de pouvoir mesurer ces délais, les organismes de domiciliation doivent tenir à jour un enregistrement des visites et des contacts.

La circulaire précise que les organismes domiciliataires peuvent également résilier l’élection de domicile en cas d‘utilisation abusive de l’élection de domicile par l’intéressé (utilisation frauduleuse de l’adresse de domiciliation) ou pour des raisons d’ordre public rendant impossible la relation entre l’organisme domiciliataire et le bénéficiaire. Dans cette dernière hypothèse, l’organisme qui radie doit préalablement s’assurer que la personne pourra être suivie par un autre organisme domiciliataire.

La circulaire précise les modalités de notification des refus

Le refus doit être motivé et notifié au demandeur par écrit. Aussi, le formulaire d’attestation d’élection de domicile prévoit une mention « Refus » avec « Orientation proposée » auprès d’un organisme en mesure d’assurer sa domiciliation (centre communal ou intercommunal d’action sociale ou organisme agréé à cet effet). Ce formulaire complété doit être remis à l’intéressé et doit être accompagné d’une information sur les voies et délais de recours ainsi que sur les démarches que l’intéressé peut effectuer pour obtenir une domiciliation.

Elle explique les modalités de renvoi du courrier

En cas de radiation de la personne domiciliée, son courrier pourra être restitué à La Poste avec la mention « PND - restitué à La Poste à [lieu], le [date] par [nom de l’organisme] ». De même, à l’échéance de l’élection de domicile et en l’absence de présentation de la personne.

La circulaire précise d’ailleurs que les relations entre l’organisme domiciliataire et La Poste peuvent être précisées par convention.

En outre, afin d’assurer ces missions dans les meilleures conditions possibles, il est préconisé lors de l’entretien obligatoire de sensibiliser la personne domiciliée sur l’importance de relever son courrier régulièrement. Dès lors, si une personne ne vient pas chercher son courrier alors qu’elle a été informée de la nécessité de le faire lors des contacts obligatoires prévus tous les 3 mois, qu’elle a été spécifiquement alertée de la nécessité de relever sa correspondance et que le règlement intérieur de la structure domiciliataire le prévoit, le courrier pourra alors être restitué à La Poste avec la mention « PND - restitué à La Poste à [lieu], le [date] par [nom de l’organisme] ».

6. Concernant la transmission d’information

La circulaire instaure un délai de réponse aux organismes payeurs

Les organismes de domiciliation sont tenus d’indiquer, à la demande d’un organisme payeur de prestations sociales, et dans un délai d’un mois, si une personne est domiciliée ou non par eux (article D.264-7 du CASF). En revanche, les organismes de domiciliation ne sont pas tenus de communiquer d’autres informations sur les personnes qu’ils domicilient.

Elle propose un modèle de rapport d’activité à transmettre au Préfet

Les CCAS-CIAS et les organismes agréés doivent transmettre chaque année au préfet un rapport succinct sur leur activité de domiciliation (article D. 264-8 du code de l’action sociale et des familles). La circulaire insiste sur l’importance de cette obligation dans l’observation sociale du dispositif et propose en annexe un modèle de rapport d’activité. Ce rapport comporte notamment le nombre d’élections de domicile en cours de validité ; le nombre de personnes domiciliées au 31 décembre de l’année écoulée ; le nombre d’élections de domicile délivrées dans l’année ; le nombre de radiations et de refus avec leurs principaux motifs ; les jours et horaires d’ouverture ainsi que les moyens matériels et humains mis en ouvre par l’organisme.

7. Concernant le pilotage territorial du dispositif

Sur le pilotage du dispositif, la circulaire rappelle que "le préfet de département est animateur et garant du dispositif" et insiste sur les objectifs des schémas départementaux, dont la date finale de rédaction est reportée au 30 septembre 2016.

Le schéma départemental de domiciliation doit :

  • analyser les caractéristiques du territoire ;
  • analyser l’adéquation entre offre et besoins ;
  • analyser la coordination des acteurs et des dispositifs ;
  • prioriser des enjeux et faire des recommandations.

La concertation avec les acteurs lors de l’élaboration des schémas doit favoriser la meilleure coordination entre organismes domiciliataires. Elle doit permettre également d’établir ou de renforcer les liens avec les institutions et organismes qui délivrent les droits (centre des impôts, services des préfectures, CAF, CPAM…).

Les nouveaux CERFA de demande et d’attestation de domicile

1. Le CERFA de demande

L’article D. 264-1 du code de l’action sociale et des familles crée un formulaire de demande d’élection de domicile. Toute personne souhaitant se faire domicilier devra donc remplir ce formulaire, qui précise notamment l’identité du demandeur et de ses ayants droit, la date du dépôt de la demande ainsi que le nom et l’adresse de l’organisme auprès duquel la demande a été effectuée. Le CCAS/CIAS qui reçoit un formulaire de demande d’élection de domicile doit en accuser réception et y répondre dans un délai fixé à deux mois. Le silence gardé à l’issue de ce délai ne vaut pas accord.

2. Le CERFA de décision et d’attestation de domicile

La forme de l’attestation d’élection de domicile a été actualisée : le nouveau CERFA est constitué de deux parties : une première correspond à la notification de décision (accord ou refus) et la seconde correspond à l’attestation d’élection de domicile. En effet, les organismes qui procèdent à l’élection de domicile des personnes sans domicile stable doivent leur remettre une attestation d’élection de domicile en cas d’accord à la demande déposée. Le nouveau modèle précise notamment le nom et l’adresse de l’organisme ou du CCAS/CIAS, la date de l’élection de domicile et sa durée de validité. Cette attestation mentionne également les ayants droit de la personne domiciliée et permet à son bénéficiaire et à ses ayants droit de solliciter l’ensemble des droits auxquels ils peuvent prétendre.

Positionnement de l’UNCCAS suite à la parution des nouveaux textes relatifs à la domiciliation

Contexte

Dans la lutte contre le non-recours, la domiciliation, dont le cadre juridique a été posé par la loi DALO du 5 mars 2007, occupe une place essentielle. Pour les personnes sans domicile stable, la domiciliation donne en effet la possibilité de recevoir du courrier, ce qui leur permet, d’une part, d’accéder à des prestations et droits fondamentaux et, d’autre part, de conserver des relations avec leurs proches et un ancrage dans la vie sociale.

La loi instituant le droit au logement opposable (DALO) avait institué en 2007 un droit à la domiciliation, en maintenant la coexistence de trois procédures de domiciliation (procédure généraliste, procédure pour le bénéfice de l’Aide Médicale d’Etat et procédure pour la demande d’asile).

Le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 21 janvier 2013 avait prévu la simplification du dispositif de domiciliation afin de favoriser sa mise en œuvre, ainsi que son animation territoriale par l’élaboration de schémas départementaux de la domiciliation par les préfets de département sous la coordination des préfets de région.

En réponse aux préconisations du Plan, la loi pour accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 a apporté un certain nombre d’évolutions :

  • harmonisation des règles relatives à la domiciliation généraliste et de celles relatives à la domiciliation liée à l’AME,
  • élargissement des motifs de domiciliation à l’ensemble des droits civils,
  • intégration des schémas de domiciliation au PDALHPD (Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées).

Les trois décrets d’application de la loi ALUR ont été publiés que le 19 mai 2016.
Une instruction du 10 juin 2016, publiée le 18 juillet, vient compléter ce nouveau dispositif.

Les principales nouveautés du régime de la domiciliation sont les suivantes :

  • le dispositif de domiciliation spécifique à l’aide médicale de l’Etat est supprimé.
  • les motifs de domiciliation sont élargis à l’ensemble des droits civils ;
  • la condition de lien avec la commune est élargie ;
  • la création d’un formulaire de demande d’élection de domicile ;
  • l’intéressé n’a plus d’obligation de se présenter physiquement tous les trois mois au lieu où il est domicilié.

Les CCAS et la domiciliation

Des CCAS globalement très impliqués

  • 76% des CCAS répondants domicilient et même 93% des CCAS des communes de plus de 5000 habitants
  • 9 fois sur 10, la raison pour laquelle un CCAS ne domicilie pas est qu’il ne reçoit pas de demande
  • En 2013, un CCAS d’une ville de 30 000 habitants comptait en moyenne plus de 280 domiciliations actives

1er motif de demande de domiciliation, selon 82% des CCAS : l’accès à une prestation légale du type RSA. Mais pas uniquement...

  • Pour 69% des CCAS, la domiciliation permet de produire un justificatif auprès des impôts, pour l’ouverture d’un compte bancaire, une recherche d’emploi, une inscription scolaire
  • Un quart des CCAS domiciliataires ont enregistré plus de 600 retraits de courrier en 2013

Pour un CCAS, le budget relatif à la domiciliation peut représenter 80 000 euros par an, voire 4 fois plus dans certaines grandes villes.

Les CCAS domicilient surtout des personnes isolées mais aussi, et de plus en plus, des familles et - phénomène croissant - des personnes hébergées chez un tiers.

Sur le terrain, en dépit du rôle majeur des Préfets, un manque criant de coordination territoriale

  • 13% des CCAS domiciliataires connaissent les autres organismes agréés, notamment associatifs, sur leur territoire
  • Seuls 18% des CCAS disposent d’un interlocuteur sur le sujet au sein des services déconcentrés de l’Etat.

Ces chiffres sont issus de l’enquête UNCCAS « L’élection de domicile pratiquée par les CCAS » parue en avril 2015.

Positionnement de l’UNCCAS

L’UNCCAS prend note de la publication de ces différents textes, attendus depuis plus de deux ans par l’ensemble des organismes domiciliataires (cf. les diverses réunions ministérielles sur le sujet).
S’ils sont naturellement investis d’une mission d’accès aux droits, rappelons cependant que les CCAS et CIAS se sont vu investis en 2007 de cette nouvelle obligation légale de domiciliation, sans accompagnement méthodologique, ni moyens financiers. Toute évolution du dispositif les concerne donc au premier chef.

Les CCAS sont nombreux à s’inquiéter de la très forte progression du nombre de domiciliations depuis plusieurs années et de l’alourdissement de leur charge de travail en la matière, dans un contexte de baisse des dotations des collectivités et de réduction du nombre d’associations agréées.

L’UNCCAS est donc très attentive à l’adéquation de ces nouveaux textes avec les besoins d’amélioration du dispositif portés par son réseau. C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit qu’elle a pris part à l’ensemble des travaux menés au plan national sur le sujet ces dernières années.

L’UNCCAS se félicite que la circulaire intègre certaines de ses préconisations

  • la circulaire encourage un meilleur usage du dispositif par les organismes tiers afin de faciliter le recours au droit du plus grand nombre : sur le terrain, il était particulièrement fréquent que les organismes payeurs, ou les impôts, orientent vers les CCAS sans accepter le principe déclaratif de l’adresse alors que les personnes étaient hébergées à titre stable chez des tiers ou en établissement. Le principe déclaratif de l’adresse est réaffirmé dans le cadre de la circulaire et la place de chacun clarifiée.
  • la circulaire insiste sur le rôle et la responsabilité du préfet comme garant du dispositif de domiciliation, et sur les différents enjeux des schémas départementaux d’observation sociale. S’agissant d’un dispositif d’accès aux droits réaffirmés notamment dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, il est en effet de la responsabilité du préfet de remobiliser les acteurs. Le texte précise ainsi que le préfet de département a vocation à faciliter l’entrée de nouveaux organismes domiciliataires et notamment des Conseils départementaux et établissements de santé.
  • la circulaire apporte un certain nombre de précisions sur des points qui restaient flous jusqu’à présent : publics spécifiques (mineurs, majeurs protégés par exemple), les prestations sociales concernées par l’opposabilité de l’attestation, la définition des droits civils, les possibilités de résiliation, etc.

Néanmoins, l’UNCCAS déplore que la refonte des textes n’ait pas permis de progresser plus durablement sur de nombreux sujets parmi lesquels :

  • donner une définition plus claire du public concerné par la domiciliation ;
  • la définition du lien avec la commune reste très large. Elle n’apporte pas les précisions attendues sur de nombreux points (liens familiaux par exemple) et ne propose pas de liste exhaustive des justificatifs pouvant être apportés pour prouver le lien avec la commune ;
  • l’obligation de passage tous les trois mois par les bénéficiaires a été supprimée...

La loi ALUR et ses différents textes applicatifs accroissent donc le champ de l’obligation légale des CCAS/CIAS sur la domiciliation (définition restée large du lien avec la commune, élargissement des motifs de domiciliation...) sans répondre aux principales problématiques de terrain rencontrées par les organismes domiciliataires : manque de moyen, saturation des organismes, complexité du dispositif et sa perte de sens. Nous craignons des difficultés supplémentaires dans la mise en œuvre de ce dispositif pourtant essentiel dans l’accès aux droits.

L’UNCCAS reste mobilisée sur au moins trois points :

1. La question fondamentale des moyens

Pour que puissent se conjuguer au mieux les solidarités locales et nationales, la question du financement et de l’accompagnement de la mission de domiciliation des CCAS/CIAS et des associations est fondamentale.

Il importe que les CCAS/CIAS puissent bénéficier d’un soutien – financier mais aussi matériel via notamment le développement de formations, d’outils et la mise en place d’un logiciel informatique de gestion harmonisé, etc. - à la hauteur des besoins et des ambitions que l’Etat souhaite donner à ce dispositif d’accès aux droits fondamentaux.

Les CCAS/CIAS, en l’absence de moyens financiers dédiés à ce dispositif, allouent en conséquence une partie de leur budget global à cette mission, situation qui met en péril la pérennité d’autres actions conduites auprès des personnes en difficulté. Par ailleurs, sans moyens financiers dédiés, les CCAS/CIAS ne peuvent souvent pas réaliser un accompagnement social des personnes domiciliées dans leur démarche d’ouverture de droit lié au logement, ce qui contribue au sentiment de perte de sens du dispositif.

2. Le rôle clé du Préfet dans l’animation territoriale du dispositif et la mobilisation de nouveaux acteurs

Les schémas de domiciliation, essentiels à la mise en œuvre effective du dispositif, étaient attendus fin décembre 2015. La circulaire fixe une nouvelle date butoir au 30 septembre 2016.

Puissent ces schémas être mis en œuvre rapidement tout en l’étant de manière qualitative. En effet, seules une offre suffisante de domiciliation sur les territoires et une attention portée à la soutenabilité de la mise en œuvre par les organismes domiciliataires permettront l’effectivité du droit à la domiciliation. A noter qu’il n’est pas rare que certaines associations arrêtent de domicilier par manque de moyens, la charge pesant alors uniquement sur le CCAS.

En matière de couverture territoriale, de nombreux questionnements demeurent également sur la mobilisation effective de nouveaux acteurs – pourtant encouragée par la circulaire – notamment faute de financement dédiés.

Une attention particulière devra donc être portée sur la répartition de la charge entre les différents organismes domiciliataires et que dans ce cadre, de nouveaux acteurs (par ailleurs déjà identifiés par la circulaire, tels que les conseils départementaux) soient davantage incités à exercer cette mission.

3. Redonner du sens à ce dispositif porté par des organismes à caractère social

Au-delà du courrier, la domiciliation peut également être l’occasion pour les intervenants sociaux de créer ou de maintenir un lien avec des personnes isolées. Or, les besoins dans ce domaine restent importants.

Dans ce cadre, le dispositif de domiciliation, tel qu’issu de la loi DALO, a été pensé comme un dispositif d’accès et d’entrée dans les droits sociaux et dans l’accompagnement. Il est donc légitime qu’il soit porté par des structures sociales dans les cas où les demandes ont effectivement un caractère social. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Ainsi, le fait d’avoir désigné les CCAS comme acteurs de plein droit de la domiciliation les renvoie naturellement à leur mission de prévention et de développement social. Les CCAS, par ailleurs très fortement impactés par la progression de la demande sociale, sont toutefois nombreux à observer la présence de publics ne présentant pas de besoin d’accompagnement social.

Par conséquent, une réflexion s’impose sur l’instauration d’une réponse pérenne pour les personnes nécessitant une adresse administrative mais dont la demande ne présente pas de caractère véritablement social.

Nous souhaitons par conséquent que des travaux soient lancés pour identifier de nouvelles solutions que le dispositif de domiciliation DALO, portées par d’autres acteurs que les acteurs sociaux, afin que les personnes n’ayant pas besoin d’accompagnement social disposent d’une adresse administrative où recevoir leurs courriers.

Ce faisant, la domiciliation retrouverait sa vocation première.

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