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Fiche d'expérience

Tutorat solidaire à la conduite

Tutorat solidaire à la conduite

Outre un soutien financier, les jeunes Angevins qui souhaitent passer leur permis de conduire peuvent bénéficier d’un soutien pratique à l’apprentissage via le tutorat solidaire avec des bénévoles retraités. La conduite supervisée adaptée proposée dans le cadre de ce projet permet de limiter le coût global du permis et d’améliorer le taux de réussite à l’examen, tout en développant le lien social et intergénérationnel.

Contexte

L’idée de ce projet découle de trois constats :
1. un taux de chômage élevé chez les jeunes angevins : le « rapport d’observation » du CUCS faisait apparaître en 2008 une augmentation du taux de chômage chez les jeunes (part de 23% des demandeurs d’emploi sur le territoire d’Angers). 75% des jeunes interrogés n’étaient pas titulaires du permis de conduire, frein important dans leur accès à l’emploi. 
2. le permis B est un pré requis bien souvent indispensable pour l’accès à l’emploi dans les métiers du BTP, du commerce, de la restauration ou encore du service à la personne. Certes le territoire est bien couvert par les transports en commun ou autres alternatives (location de vélo, cyclomoteurs…), mais celles-ci ont leurs limites.
3. une double difficulté (financière et pratique) à accéder au permis de conduire. En partenariat avec différents acteurs et notamment la mission locale, le CCAS d’Angers a mis en place en 2008 une bourse au permis de conduire pour soutenir les jeunes dans leur accès au permis de conduire (aide financière individuelle pouvant aller jusqu’à 1200 euros par jeune et concernant 150 jeunes par an).
Cependant, plus de 40 % des bénéficiaires de la bourse dépassent le devis de départ établi par les auto-écoles en termes de nombre d’heures de conduite. Ils rencontrent, pour beaucoup, des difficultés lors de cette formation pratique (absence de culture de la conduite du fait de déplacements en transports en commun uniquement, pas d’expériences de vélo ou de deux roues, manque de confiance en soi, difficultés de coordination, de prise de décision, etc.). 
Une réponse existe face à ces difficultés : la conduite supervisée, dispositif national qui se veut plus souple que l’apprentissage anticipé de la conduite (ou conduite accompagnée) qui permet d’améliorer ses acquis à moindre coût, en dehors de l’auto-école. Cependant, cette formule reste difficile à concrétiser, de nombreux jeunes n’ayant pas de personne ressource dans leur entourage en mesure d’assurer ce rôle d’accompagnateur.
C’est pourquoi, face à ces constats, la Ville d’Angers a souhaité expérimenter, à partir de fin 2012 et en complément de la bourse au permis de conduire, le tutorat solidaire à la conduite. L’objectif de cette action est d’accompagner, en conduite, des jeunes en difficulté, grâce à l’appui de bénévoles retraités. 

Description / Fonctionnement de l'action

Lors de la réforme du permis B en 2010, le gouvernement a mis en place le dispositif de conduite supervisée. Cependant, les jeunes bénéficiaires de la bourse proposée par le CCAS n’ont bien souvent pas la possibilité de mettre en place cette formule, n’ayant pas de tuteur potentiel dans leur entourage.Avec la volonté d’adapter constamment son action aux difficultés des Angevins, le CCAS expérimente depuis fin 2012, le tutorat solidaire à la conduite, avec pour objectifs :- d’accompagner les jeunes en parcours d’insertion dans la conduite supervisée pour favoriser l’obtention du permis de conduire (pendant 3 mois, sur 1 000 km minimum),- de favoriser un lien intergénérationnel et de solidarité entre des bénévoles retraités et des jeunes en insertion,- d’aider au développement de l’action de garage solidaire développée par l’association Solidar’auto 49 (valorisation de son activité, contribution à son développement, etc.).
Développement du projet : Suite à la décision du comité de pilotage fin 2011, le CCAS a développé le projet en plusieurs étapes :- la mobilisation des acteurs partenaires concernés par les questions de mobilité,- la précision des objectifs et modalités du projet en lien avec les partenaires : mise à disposition de véhicules réformés et gestion logistique des véhicules,- mobilisation, recrutement et formation des bénévoles retraités,- l’élaboration d’une procédure de mise en œuvre du tutorat solidaire,- la formalisation des engagements respectifs autour d’une convention de partenariat et d’une charte d’engagements réciproques,- la mise en œuvre de l’action à partir de décembre 2012,- l’évaluation de l’action en 2013.
Modalités pratiques :Ce travail avec les différents partenaires a permis de définir les modalités précises de mise en œuvre de l’action autour de 7 étapes clés :1. l’information du jeune sur le dispositif,2. la validation par la commission en fonction du besoin et de la situation,3. la mise en lien entre le jeune et le tuteur, bénévole retraité, le travailleur social du CCAS étant médiateur,4. la formalisation des engagements de chacun à travers une charte cosignée,5. la mise en œuvre de la conduite supervisée et l’accompagnement du jeune par un travailleur social pendant le parcours (veille sociale sur les problématiques de logement, budget, santé, emploi…),6. le bilan du travail conduit avec le jeune, le retraité bénévole et les acteurs (CCAS, auto-école),7. la présentation à l’examen pratique du permis de conduire.

Modalités d’accès au dispositif pour les bénéficiaires : 
- être âgé de 18 à 25 ans révolus, - être engagé dans un parcours d’insertion professionnelle et avoir besoin du permis de conduire pour faire aboutir son projet professionnel, - habiter la ville d’Angers depuis au moins 2 ans,- ne pas avoir les fonds nécessaires pour financer l’intégralité du coût du permis de conduire, mais pouvoir en financer un minimum de 20%.

Bilan

L’objectif fixé fin 2012 était de 9 jeunes accompagnés en 2013 et 3 bénévoles tuteurs. Le bilan réalisé en juin 2013 indique : - 10 jeunes bénéficiaires du tutorat solidaire (9 jeunes femmes et un jeune homme),Parmi eux, 2 jeunes ont obtenu leur permis de conduire grâce à cette action. Les 8 autres jeunes sont en cours de parcours et passeront leur examen du permis prochainement. - 10 bénévoles apportent leur soutien, en parrainant chacun un jeune pendant 3 mois.Ces résultats montrent une action, après un semestre de mise en œuvre, qui va au-delà des objectifs fixés, donc prometteuse.
Les échanges issus des différents bilans avec les jeunes et leurs tuteurs ont permis d’identifier les points forts et pistes d’amélioration de l’action :- l’action favorise la réussite à l’examen du permis de conduire,- elle permet à des jeunes qui ont rencontré des difficultés d’apprentissage et de progression dans leur formation au permis, de reprendre confiance en eux, d’améliorer leurs pratiques, et d’aller au bout de ce parcours (évite les décrochages devant la difficulté que représente la formation au permis),- les bénévoles bénéficient d’une formation au rôle de tuteur, et de groupes de paroles entre tuteurs, afin d’échanger sur leurs pratiques, se donner des conseils, se tenir à jour des informations relatives à la formation au permis de conduire : une dynamique s’installe entre ces bénévoles,- l’action porte sur un soutien intergénérationnel et humain : elle permet la rencontre entre un jeune et un retraité autour de ce projet de conduite : une relation de confiance s’établit, une rencontre entre des milieux sociaux différents s’opère, et un parrainage de proximité se met en place : les jeunes bénéficiant de cette action en citent les apports bénéfiques, au niveau de la progression en conduite, mais également au niveau humain et social.
Pistes d’améliorations :- La participation des jeunes (environ 150 euros) reste une charge importante qui peut constituer une difficulté financière pour certains jeunes. Un cofinancement de ce dispositif permettrait d’alléger cette participation.- Mieux faire connaître l’action pour favoriser l’engagement d’autres tuteurs est un enjeu pour la pérennité de l’action.
Piste de développement de l’action :Cette action pourrait être support au développement d’un système de taxi solidaire : les binômes de conduite pourraient transporter des personnes à l’arrière du véhicule pendant les séances. Cette piste pourrait être envisagée notamment auprès de personnes demandeurs d’emploi, accompagnées au CCAS, afin de faciliter des déplacements à visée professionnelle ou sociale (entretien d’embauche, rdv santé, …)

Moyens

Moyens humains : 
- 1 chef de projet (responsable du service intervention sociale) : 0.05 ETP,- 1 travailleur social, référent du dispositif : 0.25 ETP,- 1 agent administratif : 0.05 ETP.- 1 agent chargé de la coordination : 0.10 ETP (personnel associatif).

Budget : 4 610 euros
Les charges concernent les frais liés à l’entretien des véhicules (assurance, vidange, essence, frais d’émission pour la carte de grise). Le CCAS prend en charge 70 % des frais et les 30 % restant sont financés par la participation financière des bénéficiaires (150 euros par jeune).

Les partenaires

Partenaires opérationnels

Partenaires opérationnels qui contribuent activement au projet :- auto école associative AFODIL et auto-écoles marchandes situées sur le territoire,- association de retraités AGIR ABCD,- garage solidaire SOLIDAR’AUTO 49.
Ce travail partenarial est inscrit dans une convention de partenariat précisant le projet et les engagements de chacun pour la réussite de celui-ci.
Autres partenaires collaborateurs du projet : mission locale Angevine, conseil général, service Action Jeunes, caisse d’allocations familiales, préfecture de Maine-et-Loire (service des examens du permis de conduire), associations locales (caritatives / lieux ressources pour les jeunes), chambre des métiers et de l’artisanat, chambre de commerce et d’industrie.
Ainsi que les services du CCAS, de la Ville et de l’Agglomération : service animation et vie sociale du CCAS, mission jeunesse de la Ville d’Angers, mission dans le cadre du Contrat Urbain de Cohésion Sociale (CUCS), police municipale de la Ville d’Angers. Ces partenaires contribuent activement au projet, notamment à travers leur participation annuelle au comité de pilotage de l’action et leur participation mensuelle à la commission d’étude des demandes de tutorat solidaire.

Ils financent l'action

 Partenaires financiers du projet :Le CCAS est financeur de l’expérimentation du tutorat solidaire. Celle-ci s’inscrit dans le dispositif de bourse au permis de conduire financé par : le CCAS et la Ville d’Angers, l’agglomération angevine (Angers Loire Métropole), la CAF et l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances à travers le contrat urbain de cohésion sociale.

Les observations du CCAS/CIAS

Le jeune est acteur de l’action de tutorat solidaire. Le dispositif n’est pas une aide financière. Les jeunes bénéficiaires assument le coût des frais de carburant et sont ainsi pleinement acteurs de ce dispositif. Ils assurent l’organisation de leurs séances de conduite supervisée avec leur tuteur, permettant ainsi un développement de l’autonomie. Sans l’action de tutorat solidaire, certains jeunes n’auraient pas pu poursuivre la formation au permis de conduire en raison de difficultés pratiques importantes nécessitant une formation longue et onéreuse. Le tutorat solidaire apparaît donc comme une solution économique et a ainsi évité des abandons de formation ou l’apparition de difficultés financières pour ces jeunes. 
L’accès à la conduite supervisée permet également à ces jeunes d’obtenir leur permis de conduire avec une expérience de conducteur plus conséquente, et représente ainsi un réel enjeu de sécurité routière.

Le travail de réflexion autour de la mise en œuvre de cette action a permis un rapprochement entre des partenaires intervenant sur les questions de mobilité. Il a ainsi offert la possibilité de développer des relations de proximité, et donc une meilleure collaboration entre des associations du territoire et le CCAS d’Angers autour de ces questions.Il permet aussi de proposer aux auto-écoles marchandes une solution pour les parcours de formation difficiles, et développe ainsi leur collaboration avec le CCAS d’Angers : les établissements ont en effet accueilli ce dispositif de manière positive, car il représente pour eux un outil de formation complémentaire. 
Les jeunes bénéficiaires du tutorat expriment partager une expérience humaine forte avec leur tuteur, qui les accompagne à hauteur de 3 heures par semaine en moyenne, pendant 3 mois, soit un accompagnement intense et régulier, support au développement d’une relation jeune/retraité. Les jeunes sont issus pour la plupart de milieux modestes et de quartiers prioritaires de la Ville, et n’avaient pas eu pour certains l’occasion de sortir de leur quartier d’origine ou de la Ville. Le tutorat solidaire leur permet de dépasser leurs frontières, sociales et géographiques.Ainsi, au delà du parrainage en conduite, s’installe spontanément un parrainage plus global : échanges autour du projet professionnel, mise en relation avec des employeurs, rencontres culturelles en dehors des temps de tutorat... La relation régulière qui se tisse entre ces personnes issues de milieux sociaux différents entraîne une évolution du positionnement des jeunes (le mode d’expression, l’attitude, évoluent chez certains), avec des effets positifs pour l’insertion sociale et professionnelle.
Se développent également des liens entre les tuteurs, des échanges de pratique, la volonté de se former pour accomplir au mieux leur mission de tuteur… Cette action leur permet de contribuer à une action valorisante et stimulante, de s’impliquer humainement au cours de leur retraite et de conserver une utilité sociale.

Photo : Wikimedia Commons

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